Bien avant la démocratisation des appareils de conditionnement d’air qui équipent aujourd’hui nos habitats contemporains, les bâtiments construits sous les climats tropicaux étaient pensés pour procurer à leurs occupants un certain confort thermique.
De l’orientation du bâti aux équipements de rafraîchissement, les occupants de la maison créole à travers les âges ont su bénéficier d’un confort climatique, parfois mieux adaptée à l’époque que celui que nous connaissons actuellement…
Le climat comme fondation de la maison créole
Si les premiers habitats construits par les Européens au cours de la période coloniale aux Antilles ont d’abord été calqués sur des modèles continentaux, les constructeurs se sont vite rendu compte que l’adaptation au climat tropical était nécessaire pour construire intelligemment la maison créole.
Dans les climats chauds et humides, la circulation de l’air et le besoin d’ombre sont les deux points d’ancrage du confort thermique. Dès le milieu du XVIIIème siècle, l’aménagement de l’habitat se fait en fonction du contexte environnemental. Des galeries extérieures et des persiennes laissent passer la lumière tout en créant de l’ombre pour les occupants, de larges ouvertures invitent les flux d’air à l’intérieur de l’habitat et des pièces communicantes les autorisent à circuler librement.
Le vitrage quant à lui, n’a pas grand intérêt dans les constructions, du fait de sa capacité à stocker la chaleur et à amplifier un effet de serre.
Rafraîchir les corps et non les espaces
D’ailleurs, le style architectural caribéen ne tient pas seulement compte de son environnement climatique, il prend largement en considération la physiologie de ses occupants.
Les mouvements d’air orchestrés par les ouvertures larges et ajourées ne rafraîchissent pas l’air, ils le font circuler. Un phénomène physique primaire mais néanmoins efficace se déclenche avec l’abaissement de température de l’épiderme des occupants. La vitesse de l’air régule rafraîchissement.
Des études universitaires et scientifiques menées aux Etats-Unis et en Europe ont défini qu’un corps humain perd 2°C de ressenti par m/s de vent auquel il est exposé. Ainsi, avec une vitesse pouvant atteindre 5 m/s, les alizés qui balaient la Caraïbe sont capables de procurer un gain de fraîcheur pouvant atteindre 10°C. En maîtrisant ce flux d’air, les normes internationales de confort pour les hébergements, comprises entre 22° et 26°C, sont aisément accessibles. La sensation de confort dépend de la bonne maîtrise des flux d’air.
L’installation d’équipements mécaniques complémentaires permet de réguler ce rafraîchissement, pour cette raison, les constructions tropicales ont reçu des équipements mécaniques plus ou moins adaptés. D’abord avec des ventilateurs (brasseurs d’air ou muraux), dans l’objectif de créer un flux d’air artificiel et contrôlé pour rafraîchir les occupants de manière directe. Puis, depuis sa popularisation dans les années 2000, par conditionnement d’air ou par climatisation réfrigérante qui utilisent des techniques plus élaborées, faisant intervenir des fluides frigorigènes ainsi que des mécanismes de compression et de pulsion d’air. Pour rafraîchir les occupants, le climatiseur doit réfrigérer des volumes importants.
En prenant l’exemple d’un couple occupant une pièce de 12 m², un système de climatisation classique consomme une énergie de réfrigération pour 30 000 litres d’air ambiant, alors qu’il représente une masse moyenne corporelle de 135 litres à rafraîchir, soit un rapport supérieur à 200 fois. Cette généralisation de l’usage de climatisation industrielle dans l’habitat tropical s’avère être un choix inopérant tant d’un point de vue financier qu’environnemental.
L’économie au service de l’environnement
Aujourd’hui, la climatisation est l’équipement moderne le plus énergivore au niveau mondial. Les questions environnementales, économiques et plus récemment sanitaires remettent en question l’hégémonie de la climatisation face aux méthodes plus traditionnelles pour améliorer le confort thermique dans l’habitat tropical.
La réfrigération de l’air jouit encore d’une bonne réputation par sa performance pour combattre la chaleur. Pourtant en matière d’efficacité énergétique et de décarbonation sur le long terme, c’est un cercle vicieux qui se créé, de plus en ajoutant à l’extérieur de la chaleur à la chaleur.
Le futur de la maison créole
Tous les principes d’adaptation de l’habitat aux modes de vie ont influencé le concept VILLAGE D’HÔTES. L’emplacement des constructions, leur orientation, les matériaux utilisés et les équipements ont été pensé pour que chaque VILLAGE D’HÔTES soit un témoin du passé, conditionné pour un avenir durable et responsable.
Nelly HILDEBERT
Sources :
Charlery, C. (2004). Maisons de maître et habitations coloniales dans les anciens territoires français de l’Amérique tropicale. In Situ. (voir l’article)
De Decker, K. (2014); The Revenge of the Circulating Fan. Low-Tech Magazine. (Traduit de l’anglais Chertier G. pour le Réseau « Sortir du nucléaire« )